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  • Feuilleton de l’été épisode 5 : questions de style

    Je n’ai jamais eu beaucoup de sympathie pour Flaubert, pour le réactionnaire qui écrivit que le suffrage universel est « une honte de l’esprit humain ». En dehors de Bouvard et Pécuchet, jamais eu non plus de plaisir à le lire, Salammbô est pour moi le comble de l’amphigourisme.  Alors, pourquoi en parler ici ? Outre le fait que je viens de me mettre à dos une foule d’idolâtres stendhaliens, je sais bien que tout le monde se fiche de savoir ce qu’un modeste auteur comme moi peut penser d’un tel « géant ». Alors quoi ? C’est qu’avec Flaubert se pose l’inévitable question du style en matière de littérature.

    L’écrivain est libre, selon les exigences de son style, d’accepter ou de rejeter les prescriptions grammaticales qui régissent la langue française et les seules lois auxquelles il faut se soumettre sont les lois de l’harmonie. »

    On ne peut que souscrire à cette ambition, dans un premier temps, car à y regarder de plus près, on peut deviner, me semble-t-il que déjà le vers est dans le fruit. Le vers, avec ou sans jeu de mots, c’est au choix. Oui, cette corruption de la littérature, à mon sens, qu’est le style pour le style. La recherche de l’harmonie, outre le fait qu’elle soit toute subjective, peut aussi se substituer au sens, voire même en tenir lieu. C’est ce que je perçois dans beaucoup de livres contemporains où ce qui devient admirable n’est plus l’art de l’écrivain à nous faire partager sa propre vision et ses interrogations portées sur le monde mais sa capacité à éblouir la galerie par quelque prouesse stylistique et plus encore par son aptitude à user de concepts inédits en ce domaine. Le résultat ? Une littérature de petits malins. Une littérature qui relève avant tout des procédés propres à la pub et à la com' : surprendre, voire choquer,  érotiser à outrance, abuser de la pensée-slogan, simplifier le fond à l'extrême pour mieux mettre la forme en avant. Une coquille vide.

    Des noms? S'il ne vous en vient aucun, c'est que vous avez banni de votre paysage les plateaux télés dits littéraires!

    J'oppose à cette "tendance", une ambition que j'ai toujours faite mienne (et dont je paie le prix fort question tirage de mes bouquins!), celle que l'éditorialiste anarchiste Zo d'Axa définissait ainsi:

    "le livre au lieu d'être un instrument de corruption et de ramollissement cérébral (devrait être) une oeuvre d'affranchissement intellectuel"


    Concrètement, comment cela se manifeste-t-il? Par ce que j'appelle le style invisible, eh oui, je le revendique, il s'agit bien d'un style, j'en veux pour preuve les heures passées à peaufiner la moindre phrase, à choisir le moindre mot. Mais une écriture qui ne cherche pas à faire la roue comme chez ces écrivains-paons si nombreux, une écriture qui ne s'évertue pas à démontrer au monde combien elle est originale et  insolente (concept à la mode). Non, je veux un style souterrain, et une écriture dont tous les "sens" sont tournés vers le dehors, une écriture qui reconnaît son cousinage dans la "littérature monde" telle que l'ont définie et promue Michel Le Bris, Bouvier, Pestelli, Chatwin, Londres, Segalen ou encore un des plus grands stylistes de ce siècle qui, lui, n'a jamais perdu de vue le fond et le sens: Le Clézio.

    S'il me fallait donner une définition à ce que j'ambitionne en matière de style, il me faudrait emprunter à la bande dessinée, pour le faire. La ligne claire, chère à l'école belge, voilà ce qui me semble le plus proche de ce à quoi j'aspire. Et j'avoue que je savoure avec un plaisir malin  les avis des pseudo-critiques (ils sont légion en littérature pour la jeunesse) qui reprochent parfois à mes livres d'être écrits de façon assez "simple".


    En ce moment donc, je "fais du style" une fois de plus en corrigeant et recorrigeant le manuscrit de mon prochain roman, Du sable entre tes doigts, à paraître  en octobre prochain aux éditions Le Musacadier dans la nouvelle collection jeunesse dirigée par Éric Denniel: Place du marché .

    Et ça se passe comme ça.

     

    Version 1

    Cleveland, un matin de septembre 2011.

     J’aurais dû te le dire, te faire confiance. Manque de courage. Peur. Oui, peur qu’on se détourne de moi, peur d’être mis au rancart. C’était débile, bien sûr. Maintenant c’est moi qui te tourne le dos : je pars. T’apercevoir une dernière fois. Ta silhouette rapetisse à travers la lunette arrière du van. Tu me fais un signe de la main : levée, grande ouverte. L’autre est cachée, je sais ton poing serré à se faire mal. Pour masquer l’émotion. Pour ne pas qu’elle déborde, qu’elle te trahisse. Est-ce qu’on se reverra un jour ? Pas une chance sur un million que ça nous arrive, pas vrai ? J’abaisse la vitre, je me penche dehors pour regarder en arrière, le vent me fouette la nuque, je te crie de toutes mes forces : Adiós compañero !

     

    Version 2

     

    Cleveland, un matin de septembre 2011

     J’aurais dû te dire, avoir confiance. Manque de courage. Peur. Oui, peur d’être mis au rancart. J’ai été débile, bien sûr. Maintenant, c’est moi qui te tourne le dos : je pars. Ta silhouette rapetisse à travers la lunette arrière du van. J’abaisse la vitre, je me penche dehors pour regarder en arrière. Tu me fais un signe de la main : levée, grande ouverte. L’autre est cachée, je sais ton poing serré à faire mal. Garder l’émotion en-dedans. Faut pas qu’elle déborde, qu’elle nous trahisse. Est-ce qu’on se reverra un jour, Diego ? Une chance sur un million que ça nous arrive, pas vrai ? Je crie de toutes mes forces dans l’air qui me fouette le visage : Adiós compañero !

    Et je me détourne pour regarder droit devant.



    Et pour conclure cet épisode, question de style, le grand  Léo n'en manquait pas.



  • Animaux d'élevages maltraités

    Animaux d'élevages maltraités : nos images censurées, où est la liberté d'information ?

    Avatar de Johanne Mielcarek

    Par 
    Association L214

  • Feuilleton de l’été épisode 4 : naissance d'une couv' sans douleur

    Le travail de création d’une couverture n’est pas toujours aussi long et sujet à interventions multiples de l’éditeur que celui que j’ai  présenté dans l’épisode 3 de ce feuilleton estival. Cela peut se passer tout autrement, en particulier quand il s’agit d’un album et que celui-ci ne s’inscrit pas dans une collection déjà existante et très formatée mais se conçoit éditorialement comme un ouvrage unique et particulier. Un prototype, en quelque sorte. Ce sera bien le cas, et plutôt deux fois qu’une, avec LA FAIM DE L’OGRE, le prochain album que Françoise et moi avons signé aux éditions Vents d’Ailleurs et qui sera en librairie le 17 octobre.

    Ce mardi donc, nous avions rendez-vous en Arles avec Jutta Hepke et Gilles Colleu pour leur remettre la peinture sur bois réalisée par Françoise pour la couverture et découvrir le projet (la maquette en blanc) retenu pour l’objet car il revêtira une forme peu habituelle (mais j’en dirai un peu plus dans les semaines qui viennent).

    Professionnalisme, confiance, sens de l’écoute, acuité du jugement et respect réciproque, et puis temps qu’on donne au temps... quand tout cela est réuni, point besoin de tergiversations, de négociations, voire de concessions pour élaborer une couverture : l’illustrateur (trice) peut se sentir pousser des ailes, oser, et aller droit au but sans presque une hésitation.

     

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    Le seul « repentir » au projet initial a été un essai de couleur moins sanguine pour l’ogre (voir ci-dessous) mais très vite abandonnée pour revenir à la première version.

     

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    Dès la rentrée, je vous présenterai sur ce même blog et celui de Françoise (ici) tout le processus de création depuis nos deux voyages d’études sur les peintures murales en Thaïlande jusqu’aux différentes phases de notre travail d’écriture et d’illustration.

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    J'en profite pour vous présenter ci-dessous les excellentes éditions Vents d'Ailleurs chez qui Françoise a déjà publié un album, Le camion frontière, écrit par l'ami Jean-Yves Loude.

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    Créées à Fort-de-France en 1994, les éditions Vents d’ailleurs sont actuellement installées à Arles.

    (vers le site en cliquant ci-dessus)


     Gilles Colleu et  Jutta Hepke qui ont fondé la maison et la dirigent sont « convaincus que la connaissance des cultures d’ailleurs, la connaissance des cultures des autres, aide à construire une société plus solidaire et enrichit tout être humain dans sa recherche d’humanité. Il est par conséquent important de construire des passerelles et de mettre à la disposition des uns et des autres les outils pour devenir ou être un citoyen du monde actuel. L’écrit, la littérature, les arts, le livre y contribuent. »

    Ils définissent ainsi leur politique éditoriale « des ouvrages qui racontent des histoires de l’“intérieur”, des textes, des récits qui ne posent pas de regard sur une autre culture ou sur un ailleurs fantasmé, mais, tout au contraire, nous proviennent de l’ailleurs. Ces histoires nous font rêver, nous interrogent, nous interpellent. L’angle d’approche est inversé, le déplacement du regard change tout. Nos représentations, ici en France, dans un pays riche du Nord, sont mises en question, nos repères se déplacent. Les imaginaires, les écrits, les idées, les images, les expressions culturelles se croisent, s’inter­pénètrent, s’entrechoquent. »

    Vents d’ailleurs est membre de l’Alliance des éditeurs indépendants, de l’association Éditeurs sans frontières et de l’association Jedi Paca. Vents d’ailleurs est distribué en Haïti par Communication Plus et au Canada par Dimédia.

     

  • Etre compris

    Il y a d’abord la nécessité d’écrire sur un sujet parce qu’il vous tient à cœur, parce que vous ne pouvez pas faire autrement, parce que c’est important, peut-être même vital. Ensuite, il arrive qu’on éprouve le plaisir d’avoir été lu, on se dit alors qu’on n'a peut-être pas écrit pour rien ni pour personne et que la bouteille jetée à la mer avec son message a été trouvée par quelqu’un quelque part... Parfois, rarement il est vrai, il advient un témoignage  qui vous démontre que vous avez été  entièrement compris. Je crois que c’est le plus grand bonheur que l’écriture peut me procurer.

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    Merci à Nicole pour son bel article sur son excellent blog Libr'Animo qui présente une sélection commentée de livres jeunesse s’intéressant aux relations humain/animal. Je vous invite vivement à le découvrir.


    « Rien n’échappe au regard mobile du jeune Jésus, qui a tant de mal a coordonner ses mouvements mais possède une force que rien n’ébranle. Il dérange, peut-être moins par son handicap, entrave   quotidienne à la vie de son entourage, que par sa sensibilité à fleur de peau. Par sa façon de l’exprimer, par son authenticité, il sème le désordre et malmène les certitudes, y compris sans doute, celles de certains lecteurs. Il oblige en effet à regarder en face, à travers lui, une vérité qu’il est d’usage d’ignorer : la façon dont les humains, être sensés, doués de libre arbitre, tourmentent d’autres êtres dont ils ne peuvent honnêtement nier les souffrances."

    La suite à lire ici

  • Feuilleton de l’été épisode 3 : naissance d'une couv côté illustratrice

    Comme je l’écrivais dans le post précédent : il est très rare pour un auteur dans le domaine du roman jeunesse (pour l’album, c’est parfois différent) de voir de près comment cela se passe du côté de l’illustrateur (trice) ou chez le (la) graphiste à propos de la couverture. Cela ne m’est arrivé qu’une fois avec Françoise pour un roman paru chez Syros. Un assez mauvais souvenir puisque l’éditrice avait fait passer à notre insu (à tous deux) la très belle et forte image réalisée par Françoise pour la couverture en 4éme de couv', et vice versa ce qui ne voulait plus rien dire du tout ! J’ai déjà évoqué cela par le passé. Ci-dessous l’objet du délit pour simple rappel (cliquer sur les images pour agrandir).

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    Cette fois, pour Ombres et Petite-Lumière à paraître chez Belin Jeunesse en septembre, les choses sont calées de façon beaucoup plus respectueuse du travail de l’illustratrice et tout s’élabore (même très longuement !) en amont au moyen de crayonnés, d’esquisses, voire d'illustrations achevées. Un énorme travail. J’ai ainsi pu suivre tout le processus d’élaboration de cette couverture mené par Françoise.

    Comme souvent dans mes romans jeunesse, le thème de la transmission est central (ici celle d’un maître du théâtre d’ombres à une fillette alors que c’est un art exclusivement réservé aux hommes en Inde). Françoise a eu l’idée de proposer une image symbolisant cette transmission, avec un décor typique du Kerala, en Inde du Sud, où se déroule le roman. On y voit notamment l’édifice qui accueille le théâtre d’ombres situé à l’avant d’un temple dédié à la déesse Bhadra Kâli.

     

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    L’image n’a pas été acceptée, demande a été faite de resserrer plus le cadre autour de l’héroïne du roman, Petite-Lumière ; ce qui se justifie assez par la taille réduite qu’ont les images de couverture dans cette collection appelée Terres Insolites. D’où nouvelle esquisse.

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    Les couleurs n’étaient pas assez flashy. D’où nouvelle palette.

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    Le cadre autour de Petite-Lumière : trop vide. Donc rajouts de végétaux tropicaux: ici, heliconia rostrata!

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    Finalement, cela ne convenait à personne... Françoise et moi, nous sommes alors souvenus d’une de nos rencontres avec un des derniers montreurs d’ombres en Inde : monsieur Ramachandra Pulavar. Quand il voulait nous montrer le détail et l’effet d’une ombre alors qu’il faisait plein jour : il se mettait devant une fenêtre et faisait comme ci-dessous.

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    Premier crayonné avec non pas un encadrement de fenêtre mais celui d'une porte typique du Kerala.

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    Puis, essai de couleur et apparition de l’ombre du singe guerrier Hanuman, cette fois en noir par effet de contre-jour comme sur la photo.

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    On sent qu’on y est presque ! Mais à quoi bon cette porte ! Françoise fait sauter ce décor surperflu pour ne laisser que l’essentiel qui s’inscrira un peu de cette façon sur la maquette propre à cette collection. La proposition plait à tout le monde (éditrice, directeur de collection, auteur... et l’illustatrrice, elle-même).

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    Ne reste alors plus (façon de parler !) qu’a réaliser le projet définitif, ce qu’a fait de main de maître Françoise. À quoi ressemble-t-il précisément ? Il va falloir attendre la sortie du livre pour le savoir ! On ne va quand même pas tout vous dévoiler avant !

  • Feuilleton de l’été épisode 2 : Naissance d’une couv... vue du côté auteur

    La couverture ! Lorsque l’auteur la découvre enfin, une large palette de sentiments s’offre à lui : surprise, enthousiasme, effondrement, indignation, acceptation, révolte, bonheur, rage… Lorsqu’il prend connaissance de la couverture qu’on lui envoie (en PDF), généralement au moment des corrections d’épreuves, et à moins d’être un auteur à succès qui pèse suffisamment pour imposer ses volontés, le choix est déjà validé par l’éditeur lui seul (enfin, je devrais plutôt dire : de plus en plus après l’avis des sacro-saints commerciaux, les représentants de commerce du livre, autrement dit !). Dans les contrats d’auteur, il n’est jamais prévu de clause concernant la couverture (à ma connaissance en tout cas), et à moins que celle-ci ne puisse porter un réel préjudice moral à l’auteur (d’où nécessité d’une procédure judiciaire, on imagine la galère !) l’écrivain n’y pourra rien changer, ou presque. Son champ d’action est en fait étroitement lié au facteur humain et à la relation qu’il entretient avec son éditeur.

    J’ai la chance d’avoir certains éditeurs qui me demandent mon avis, alors qu'il en est d’autres qui ne s’en soucient pas le moins du monde. Chez ceux qui me demandent mon avis, certains le font par pure politesse et si je n’aime pas la couverture… ça ne change rien. D’autres, les moins nombreux, prennent en considération ce que j’avance en faveur ou en défaveur d’un choix (chez Thierry Magnier et Actes Sud Jeunesse notamment et je tiens tout particulièrement à saluer ces deux maisons ici pour le respect des auteurs qu’elles ont). Parfois, la situation est un peu compliquée par les aléas du calendrier d’impression et la nécessite de faire plancher à nouveau un illustrateur sur une seconde couverture, alors qu’on peut supposer qu’il trouvait géniale la première proposée. J’ai eu le cas d’une couverture que je n’aimais pas du tout, mon avis a été entendu mais sans pour autant que le choix soit abandonné ; par chance, les commerciaux ayant également trouvé la couverture affreuse, elle a donc été changée mais à ce moment-là seulement. Dans la "chaîne" du livre, on n'a pas tous le même poids!

     

    Ci-dessus, les couvertures paticulièrement réussies selon moi.

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    Celles qui m’ont donné de l’urticaire ci-dessous.

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    Et enfin les couvertures dont je n’ai pas voulu… et que je n’ai pas eues (ouf !)

     

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  • Feuilleton de l’été épisode 1 : Mariés ou pas ?

     

    Comme cet automne verra la sortie de pas moins de quatre de mes nouveaux titres, afin que l’attente ne soit pas trop insoutenable (!) pour ceux qui fréquentent ce blog et qui ont déjà noté les titres et les dates de parutions (ah, non ?), j’ai choisi de profiter de la pause estivale pour vous livrer quelques dessous du travail d’un auteur et de ses compagnons de route.

    Généralement, un auteur n’a pas l’occasion de suivre de très près le travail d’un(e) illustrateur (trice) une fois son texte accepté par un éditeur. Le plus souvent, il ne découvre le résultat qu’au moment des épreuves, et donc déjà trop tard pour avoir son mot à dire. J’ai même eu une fois l’occasion de voir à l’œuvre un éditeur qui vous refuse tout contact avec l’intéressé(e) (non, je ne vous dirai pas le nom) et dresse une véritable ligne Maginot afin que vous ne puissiez échanger ni par mail ni par téléphone. La raison avancée (à mon avis pas la seule !) : la crainte que la plume et le pinceau ne croisent le fer pour cause de désaccord.

    Il n’existe que deux méthodes pour éviter ce grand écart entre les mots et les images : tout faire soi-même (ce qui donne d’excellents résultats : Anne Brouillard, Françoise Place et bien d'autres) ; ou bien présenter un projet avec quelqu’un que vous connaissez très bien et avec lequel vous vos entendez autant. Ensuite, vous aurez à vous battre deux fois plus pour faire accepter texte ET images parce que neuf fois sur dix… arriver « mariés » devant un éditeur, comme il est dit assez lourdement dans le métier, c’est un sérieux handicap. Et si en plus vous êtes réellement « marié » avec l’illustrateur (trice)… alors là, vous sentirez le poids d’un regard lourdement soupçonneux sur votre travail collaboratif…

    Françoise et moi, avons donc choisi l’option : « toutes difficultés comprises », et ce n’est pas toujours une mince affaire que d’avoir l’occasion de travailler ensemble. Merci à Françoise Mateu qui nous a mis le pied à l’étrier avec nos premiers albums communs chez Syros (ci-dessous). Merci, également, aux éditions Vents d’Ailleurs pour le prochain à paraitre La faim de l'ogre, et aux éditions Belin qui nous occupe aujourd’hui.

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    Ombres et Petite-Lumière, un roman illustré.

    Exceptés la toute première édition de mon premier roman Le secret du maître luthier, avec des illustrations de l’excellent Christophe Rouil, et Le chat qui monte au ciel, illustré par Frédéric Rébéna, aucun de mes autres romans n’a jamais été illustré et n’avait nullement besoin de l’être. Avec Ombres et Petite-Lumière, la situation était différente puisque la collection Terres Insolites dirigée par François Beiger a une identité bien particulière et celle-ci comprend un bon nombre d’illustrations afin d’ouvrir des fenêtres au jeune lecteur qui n’a pas forcément des références visuelles bien précises sur les territoires lointains évoqués dans chacun des titres. J’ai déjà eu quelques très mauvaises expériences au sujet de l’Inde avec des illustrateurs qui ne connaissaient parfois absolument rien au sujet (c’est pire aujourd’hui avec Google images !). Dans la liste des calamités et avanies éditoriales dont je n’ai pu corriger le tir (réponse type : Désolé, monsieur l’auteur, mais c’est déjà parti à l’imprimerie) voici un florilège :

    Un baobab (arbre de Madagascar) en lieu et place d’un manguier indien

    Un brahmane de l’Inde du Sud habillé en afghan et ressemblant trait pour trait à Bin Laden

    A Pondichéry, au cœur de pays tamoul, une rue avec des enseignes de magasins écrites en hindi, langue du Nord qu’on n’y parle pas et même qu’on honnit tout bonnement

    Une petite Indienne avec les joues couvertes d’un rond de pâte jaune comme en mettent les… Birmanes

     

    J’arrête là cette liste qui serait encore longue, je me fais trop de mal !

    Alors pour Ombres et Petite-Lumière, hors de question de revivre tout cela. Le voyage d’études que j’ai effectué au Kerala autour des montreurs d’ombres a été mené entièrement avec Françoise et beaucoup de scènes que j’ai utilisées pour mon récit nous les avons vécues ensemble.

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    Je lui ai donc demandé s’il elle voulait bien s’atteler à un travail de dessin en noir et blanc, ce qui n’est pas dans son registre habituel. Comme l’expérience l’intéressait, nous voilà embarqués dans quelque chose de nouveau pour nous deux. Un « process » inhabituel par rapport à celui que nous avons connu pour les albums qui sont réellement des œuvres pensées, conçues, élaborées, en vérité vraiment coécrites avec Françoise.

    L’occasion pour moi de découvrir de près toute une succession d’étapes à laquelle je ne suis jamais associé en tant qu’auteur. Première de ces étapes donc, une fois mon texte accepté par le directeur de collection et après avoir formulé mon exigence qu’il soit illustré par Françoise : elle se devait de le convaincre. Pour cela, il lui a fallu réaliser plusieurs esquisses dans des registres un peu différents.

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    Très vite, il est devenu évident qu’il fallait jouer sur les ombres et la lumière avec des illustrations tout en contraste puisque l’histoire tourne autour du théâtre d’ombres en Inde.

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    Le directeur de collection a rapidement convenu d’une direction avec Françoise, mais encore fallait-il convaincre à présent l’éditrice. Étape 2 donc : réaliser quelques illustrations abouties et notamment une « double page » qui viendra avec quelques autres ponctuer fortement le déroulement de l’histoire.

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    Après quelques réajustements, c’est enfin le feu vert officiel qui est donné à Françoise : jusqu’à présent elle a travaillé sans filet, c’est-à-dire sans la garantie que son travail serait retenu.

    Première opération : le découpage et la sélection des séquences à illustrer en fonction du nombre et du format des images : des doubles pages, des pleines pages mais aussi des demies, des quarts et des vignettes. Par chance, Françoise connait son sujet sur le bout de doigts après plus de vingt voyages en Inde, et elle possède une solide documentation ! Ensuite elle passe aux crayonnés, puis au travail à l’encre et à l’aquarelle pour donner du relief aux scènes.

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    Elle doit sans cesse offrir à la fois sa vision du texte tout en restant collée à l’aspect documentaire que nécessite le registre touchant un peu au carnet de route en Inde. Un boulot dont j’ai pu mesurer pour une fois la masse ahurissante de travail qu’il représente. Mais, Françoise n’est pas au bout de ses peines… non, non, il lui reste encore à faire la couverture ! Mais ça, c’est pour le prochain épisode. Ah... parfois n'être qu'auteur a du bon! 

  • Vocations précoces

    Une question cent fois posée : quand cela vous a-t-il pris de vouloir écrire ? Je réponds toujours : dès que j’ai su le faire... vers 6-7 ans ! On pense souvent qu’il ne s’agit là que d’une pirouette. Mais non, je crois que tout créateur ne fait que réaliser le rêve d’enfant qu’il porte en lui. Certains ont la chance d’en avoir conscience très tôt, ils peuvent donc s’y atteler encore jeune.  À d’autres, il faut plus longtemps, le chemin est plus sinueux, ce fut le cas pour moi qui n’ai écrit mon premier roman qu’à l’âge de 40 ans ! Pourtant l’envie était là depuis toujours... mais je pensais que ce n’était pas pour moi, que je n'en serais pas capable, qu'il me fallait gagner ma vie autrement. Un même parcours pour Françoise Malaval.


    En rangeant nos archives, courriers, photos, etc., je suis tombé sur une sorte de petite carte adressée par Françoise à sa grand-mère alors qu’elle n’avait que 7 ans. Françoise n'en garde pas le moindre souvenir et elle a encore moins idée de comment ce modeste bout de papier a pu traverser les décennies (et de nombreux déménagements) sans se perdre.

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    Sur le verso, une peinture qu’elle a réalisée pour illustrer (eh oui, déjà !) son petit mot.

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    Tout est là dès le départ, les premières années: nos passions, nos talents, notre force créatrice... On ne devrait jamais écouter tous ceux qui veulent nous persuader qu’il faut en faire le deuil pour vivre « sérieusement ». Ceux-là nous mentent, ceux-là entendent faire passer leur faiblesse, leur peur, leur renoncement à leurs rêves pour une loi universelle qu’ils appellent indument : devenir adulte. Mais ceux-là, c’est de la vraie vie qu’ils font le deuil, ils sont devenus vieux avant même que d'avoir vécu. Il n'existe qu'une seule vérité pour vraiment grandir sans perdre son temps : ne jamais se laisser berner par un pareil chant des sirènes !

     

  • Kolams sous la pluie...

    Mardi dernier à Embrun (05) à l'invitation de la librairie Charabia...

     

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    atelier d"initiation aux kolams de l'Inde du Sud.

     

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    animé par Françoise Malaval

     

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    sous le regard des curieux et des futurs "disciples"....

     

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    qui mettent la main à la pâte... de couleur

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    même la pluie qui vient n'arrête point chez l'artiste la main...

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    le kolam est un art éphémère, et c'est bien ainsi...

     

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    Si vous souhaitez organiser un événement du même type,

    vous pouvez contacter Françoise en lui écrivant (cliquer ici )

  • Linogravures en AEncrages

    Les linogravures de Françoise Malaval pour mon texte Voyage au-delà du par-delà sont arrivées chez l’imprimeur-éditeur AEncrages à Beaumes-les-Dames.

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    Pour ma part, je corrige les épreuves du texte (composé en caractères plomb). L’ouvrage sera publié dans la collection Phénix où l’on trouve des auteurs comme Armand GATTI, Robert WYATT, ou encore Philippe CLAUDEL.

     

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    On peut également nous retrouver sur le blog d’AEncrages ainsi que toutes les actualités de ce merveilleux atelier de création.


    À paraître : « Au-delà du par-delà » de Patrice Favaro et Françoise Malaval.

    En attendant la parution, fin septembre, de l’ouvrage « Au-delà du par-delà » de Patrice Favaro (auteur) et Françoise Malaval (graveuse), vous trouverez ci-dessous les premiers aperçus de leur travail :

    « Il y a des îles où demeurent (...) des gens qui ont des oreilles qui pendent jusqu’aux genoux, des gens qui ont des pieds de cheval, des gens qui marchent avec les mains, des gens qui sont à la fois homme et femme, des gens qui sont tout poilus excepté la face et les paumes, des gens qui ont des pierres précieuses dans les yeux et s’ils vous regardent : ils vous tuent comme le ferait un basilic. Mille autres sortes d’hommes monstrueux existent en ces îles aux marches du monde. Vous en donner le détail serait fastidieux, mais il est une curieuse croyance dont je veux faire ici état. »

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