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Livre

  • Il y a état d’urgence à lire ce livre.

     

     

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    À l’heure où une ultra-minorité entend imposer ses vues par la peur (on oublie trop souvent que terrorisme à pour racine « terreur » et que, donc, céder à la peur, c’est reconnaître que le terroriste a déjà gagné la partie) ; à l’heure où les pouvoirs en place (économiques et politiques), entendent bien utiliser cette même peur pour se maintenir aux commandes quitte à piétiner les valeurs démocratiques dont ils se prétendent les garants ; à l’heure où les crétins médiatiques, autoproclamés experts, nous font entendre tout et surtout n’importe quoi… il n’est peut-être pas inutile de disposer d’un outil critique pour nous aider à mieux penser à propos de ce qui agite désormais le plus notre société. C’est exactement ce que nous propose, et de façon brillante, le dernier ouvrage publié de Philippe Godard : Du consensus au terrorisme.

     

    Le mérite de Philippe Godard est d’abord de nous rafraîchir un peu la mémoire : « “La Terreur constitue la première irruption massive, dans l’histoire moderne, du terrorisme, et c’est le gouvernement du premier État républicain qui le mit en œuvre !” Combien parmi nos élus, entonnant La Marseillaise au lendemain d’un attentat monstrueux, se sont souvenus que, seulement quatre ans après 1789, cette même République avait développé un système de terreur qui constitue un archétype de tout ce qui se fera par la suite en matière de terrorisme d’état ?

    Autre nécessaire remise des pendules à l’heure : l’ouvrage établit une typologie distincte entre terrorisme d’état, lutte armée, terrorisme politique, terrorisme religieux et violence criminelle des gangs. “[…] nier les différences entre ces différentes formes de violences pour les rejeter en bloc nous condamnerait à ne pas comprendre ce qui est devenu vraiment très dangereux à notre époque et facilite l’extension de l’ultraviolence : la banalisation des violences extrêmes.”

    Et c’est précisément parce qu’il ouvre des perspectives de compréhension inédites, ou du moins avancées par des voix qui sont peu entendues, que le livre de Philippe Godard est passionnant à lire. J’en retiens une qui constitue la colonne vertébrale de l’ouvrage : la construction d’un consensus structurant est une nécessité pour tout régime politique démocratique. Plus qu’un contrat social abstrait tel que pensé par Rousseau, il s’agit d’un consensus concret, un “contrat de confiance”, en quelque sorte : chaque individu reconnaît la validité du corps politique et celui-ci s’engage à offrir à chaque individu, et de façon égale, sûreté et protection. Or c’est précisément ce consensus initial qui n’a cessé depuis d’être battu en brèches jusqu’à voler en éclats aujourd’hui : système oligarchique, corruption et affaires en série, non-respect du vote référendaire (Traité de Maastricht !), parole politique décrédibilisée, élus se donnant perpétuellement en spectacle, mainmise de l’économie sur le politique, inégalités sociales atteignant des records inédits, etc. Il n'est besoin que de constater les taux d'abstentions chez les jeunes pour s'en persuader. Le résultat d’une pareille faillite est d’une part la désillusion généralisée, celle qui permet toutes les constructions fantasmatiques des conspirationnistes : il ne peut y avoir qu’une conspiration du mal cachée derrière tout cela. D’autre part, l’obligation pour les pouvoirs en place de faire appel à un autre type de consensus pour maintenir la cohésion sociale : un consensus contre l’ennemi intérieur ou extérieur. Le retour au vieux stratagème du bouc émissaire si utile tant aux groupes ultraminoritaires qu’aux pouvoirs en place. Accepter cette logique, c’est entrer dès lors dans une zone de très haut danger en matière de violence : la machine à saigner qu’est la guerre peut très vite se mettre en marche.

    Le deuxième point sur lequel je voudrais également insister est que le livre de Philippe Godard nous donne aussi à réfléchir sur le plan de l’individu et pas seulement au niveau des groupes minoritaires et des corps politiques au pouvoir. C’est là, à mon sens, que se situe en effet le véritable nœud du problème en matière de violence terroriste, et c’est là aussi qu’il faut comprendre les motivations qui animent les terroristes pour mieux les combattre. Le monde ultralibéral n’a cessé de pousser plus loin l’optimisation de ses outils en matière d’incitation à la consommation de masse. Pour cela il lui a fallu fragmenter à outrance le corps social (afin de multiplier le nombre “d’acheteurs” potentiels) ce qui a fait exploser les relations humaines dans tout cadre collectif (la famille, voire le couple, l’entreprise, l’école, la ville, le quartier, la région). La pathologie sociale qui en découle porte un nom : le narcissisme. «  Le narcissisme est la réponse la plus aisée à l’anonymat auquel la société de masse nous condamne.” Un narcissisme que les outils technologiques modernes rendent d’autant plus aisé et gratifiant en lui donnant une résonance immédiate et mondiale. Comment dès lors s’étonner qu’un individu se sentant frustré dans son désir de reconnaissance sociale n’en vienne à penser que c’est la collectivité qui lui fait barrage, que des forces hostiles et souvent secrètes le maintiennent en dehors des feux de la rampe? La violence n’a pas d’autre origine que la frustration, et chez le narcissique la frustration n’a pas d’autre combustible que le désir irrépressible d’établir la supériorité de son moi individuel sur le corps collectif. C’est cette pathologie de la pensée individuelle qui permet seule d’éclairer des actes horribles qui demeurent si étrangers à la majorité d’entre nous. On ne peut alors qu’imaginer combien peut être toxique l’exacerbation médiatique permanente d’autres narcissismes : ceux du monde politique, économique, et même sportif.

     

    Du consensus au terrorisme ouvre bien d’autres pistes de réflexion que je ne peux citer ici sans risque de me montrer trop long. C’est un ouvrage qui ne l’est pas quant à lui, il est grandement accessible, clair, toujours intelligent et documenté et surtout stimulant. Il nous invite pour finir à trouver un nouveau consensus pour éviter d’une part le spectre d’un pouvoir fascisant voire ouvertement fasciste et de l’autre un prétendu règlement de tensions par leur éclatement en violence ouverte qui ne conduirait à rien d’autre qu’à une guerre civile. Un consensus fondé sur le débat véritable et la contradiction acceptée. : “Un consensus qui soit en quelque sorte un dissensus assumé, au niveau des mots, des idées, des politiques — et non de la violence”.

     

    Lisez ce livre, faites-le lire : il y a URGENCE ! 

     

    Ce 1er septembre sort également Ils et Elles sont changé le monde que j'ai eu l'immense plaisir de co-écrire avec Philippe. Ne voyez pas dans ce que j'ai écrit ci-dessus l'expression d'un simple copinage, il s'agit d'un hommage objectif dû à l'intelligence de son propos.         

  • Coup de coeur!

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    Merci à la médiathèque de Montrouge (Hauts de Seine) pour son coup de cœur pour l'album LA FAIM DE L'OGRE illustré par Françoise Malaval et paru aux éditions Vents d'ailleurs.

    L'occasion de vous gratifier de quelques images du making-off!

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  • Ceci n'est pas un livre!

    Je vous recommande la lecture du blog du chercheur Lorenzo Soccavo et en particulier l'article ci-desous en lien. Il résume parfaitement une pensée que je fais mienne concernant le "livre" numérique... un subtil stratagème marketing pour nous faire prendre pour livre ce qui n'en est pas!

     

    LES DROITS DES LECTEURS

    extrait:


    Non seulement l’offre précède la demande, mais une liseuse ou une tablette ne sont pas uniquement des moyens de lire. Ces dispositifs de lecture ne sont pas des livres qui se suffiraient à eux-mêmes. Ils ne sont en vérité que les parties d’un système organisant et donc contrôlant nos lectures.

    La plus grande vigilance m’apparaît donc nécessaire et les réactions à chaud à ma conférence de Chenôve m’ont renforcé dans cette intuition que j’avais.
    Nous devons je pense nous interroger sur la technophilie ambiante qui gagne l’écosystème de la lecture et n’est peut-être, en partie tout au moins, qu'un effet du formatage imposé par les stratégies marketing de majors américaines qui prônent tout en l’organisant un contexte d’hyperconnectivité dans une économie de l’attention et du temps de cerveau disponible, en démultipliant l’offre et la création sans cesse renouvelée de besoins factices et addictifs.