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Feuilleton de l’été épisode 1 : Mariés ou pas ?

 

Comme cet automne verra la sortie de pas moins de quatre de mes nouveaux titres, afin que l’attente ne soit pas trop insoutenable (!) pour ceux qui fréquentent ce blog et qui ont déjà noté les titres et les dates de parutions (ah, non ?), j’ai choisi de profiter de la pause estivale pour vous livrer quelques dessous du travail d’un auteur et de ses compagnons de route.

Généralement, un auteur n’a pas l’occasion de suivre de très près le travail d’un(e) illustrateur (trice) une fois son texte accepté par un éditeur. Le plus souvent, il ne découvre le résultat qu’au moment des épreuves, et donc déjà trop tard pour avoir son mot à dire. J’ai même eu une fois l’occasion de voir à l’œuvre un éditeur qui vous refuse tout contact avec l’intéressé(e) (non, je ne vous dirai pas le nom) et dresse une véritable ligne Maginot afin que vous ne puissiez échanger ni par mail ni par téléphone. La raison avancée (à mon avis pas la seule !) : la crainte que la plume et le pinceau ne croisent le fer pour cause de désaccord.

Il n’existe que deux méthodes pour éviter ce grand écart entre les mots et les images : tout faire soi-même (ce qui donne d’excellents résultats : Anne Brouillard, Françoise Place et bien d'autres) ; ou bien présenter un projet avec quelqu’un que vous connaissez très bien et avec lequel vous vos entendez autant. Ensuite, vous aurez à vous battre deux fois plus pour faire accepter texte ET images parce que neuf fois sur dix… arriver « mariés » devant un éditeur, comme il est dit assez lourdement dans le métier, c’est un sérieux handicap. Et si en plus vous êtes réellement « marié » avec l’illustrateur (trice)… alors là, vous sentirez le poids d’un regard lourdement soupçonneux sur votre travail collaboratif…

Françoise et moi, avons donc choisi l’option : « toutes difficultés comprises », et ce n’est pas toujours une mince affaire que d’avoir l’occasion de travailler ensemble. Merci à Françoise Mateu qui nous a mis le pied à l’étrier avec nos premiers albums communs chez Syros (ci-dessous). Merci, également, aux éditions Vents d’Ailleurs pour le prochain à paraitre La faim de l'ogre, et aux éditions Belin qui nous occupe aujourd’hui.

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Ombres et Petite-Lumière, un roman illustré.

Exceptés la toute première édition de mon premier roman Le secret du maître luthier, avec des illustrations de l’excellent Christophe Rouil, et Le chat qui monte au ciel, illustré par Frédéric Rébéna, aucun de mes autres romans n’a jamais été illustré et n’avait nullement besoin de l’être. Avec Ombres et Petite-Lumière, la situation était différente puisque la collection Terres Insolites dirigée par François Beiger a une identité bien particulière et celle-ci comprend un bon nombre d’illustrations afin d’ouvrir des fenêtres au jeune lecteur qui n’a pas forcément des références visuelles bien précises sur les territoires lointains évoqués dans chacun des titres. J’ai déjà eu quelques très mauvaises expériences au sujet de l’Inde avec des illustrateurs qui ne connaissaient parfois absolument rien au sujet (c’est pire aujourd’hui avec Google images !). Dans la liste des calamités et avanies éditoriales dont je n’ai pu corriger le tir (réponse type : Désolé, monsieur l’auteur, mais c’est déjà parti à l’imprimerie) voici un florilège :

Un baobab (arbre de Madagascar) en lieu et place d’un manguier indien

Un brahmane de l’Inde du Sud habillé en afghan et ressemblant trait pour trait à Bin Laden

A Pondichéry, au cœur de pays tamoul, une rue avec des enseignes de magasins écrites en hindi, langue du Nord qu’on n’y parle pas et même qu’on honnit tout bonnement

Une petite Indienne avec les joues couvertes d’un rond de pâte jaune comme en mettent les… Birmanes

 

J’arrête là cette liste qui serait encore longue, je me fais trop de mal !

Alors pour Ombres et Petite-Lumière, hors de question de revivre tout cela. Le voyage d’études que j’ai effectué au Kerala autour des montreurs d’ombres a été mené entièrement avec Françoise et beaucoup de scènes que j’ai utilisées pour mon récit nous les avons vécues ensemble.

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Je lui ai donc demandé s’il elle voulait bien s’atteler à un travail de dessin en noir et blanc, ce qui n’est pas dans son registre habituel. Comme l’expérience l’intéressait, nous voilà embarqués dans quelque chose de nouveau pour nous deux. Un « process » inhabituel par rapport à celui que nous avons connu pour les albums qui sont réellement des œuvres pensées, conçues, élaborées, en vérité vraiment coécrites avec Françoise.

L’occasion pour moi de découvrir de près toute une succession d’étapes à laquelle je ne suis jamais associé en tant qu’auteur. Première de ces étapes donc, une fois mon texte accepté par le directeur de collection et après avoir formulé mon exigence qu’il soit illustré par Françoise : elle se devait de le convaincre. Pour cela, il lui a fallu réaliser plusieurs esquisses dans des registres un peu différents.

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Très vite, il est devenu évident qu’il fallait jouer sur les ombres et la lumière avec des illustrations tout en contraste puisque l’histoire tourne autour du théâtre d’ombres en Inde.

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Le directeur de collection a rapidement convenu d’une direction avec Françoise, mais encore fallait-il convaincre à présent l’éditrice. Étape 2 donc : réaliser quelques illustrations abouties et notamment une « double page » qui viendra avec quelques autres ponctuer fortement le déroulement de l’histoire.

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Après quelques réajustements, c’est enfin le feu vert officiel qui est donné à Françoise : jusqu’à présent elle a travaillé sans filet, c’est-à-dire sans la garantie que son travail serait retenu.

Première opération : le découpage et la sélection des séquences à illustrer en fonction du nombre et du format des images : des doubles pages, des pleines pages mais aussi des demies, des quarts et des vignettes. Par chance, Françoise connait son sujet sur le bout de doigts après plus de vingt voyages en Inde, et elle possède une solide documentation ! Ensuite elle passe aux crayonnés, puis au travail à l’encre et à l’aquarelle pour donner du relief aux scènes.

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Elle doit sans cesse offrir à la fois sa vision du texte tout en restant collée à l’aspect documentaire que nécessite le registre touchant un peu au carnet de route en Inde. Un boulot dont j’ai pu mesurer pour une fois la masse ahurissante de travail qu’il représente. Mais, Françoise n’est pas au bout de ses peines… non, non, il lui reste encore à faire la couverture ! Mais ça, c’est pour le prochain épisode. Ah... parfois n'être qu'auteur a du bon! 

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