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Les vessies et les lanternes… chapitre 3

LUI, CE N’EST PAS UN AUTEUR JEUNESSE !

La sentence est tombée, comme un couperet… un peu émoussé.

Il ya quelques années. Un salon du livre, un parmi tant d’autres. Une brasserie, tout ce qu’il y a de plus représentatif du bon goût rustico-cantinier qui est de mise dans ces temples du décongelé-réchauffé. Passons, nous ne sommes pas là pour gastronomiser mais rencontrer nos jeunes lecteurs. Nous : quelques auteurs et deux jeunes illustratrices (c’est un substantif qui ne peut se décliner désormais que sous a forme féminine et juvénile ; aujourd’hui, si vous n’êtes pas « …trice »  et encore moins jeune… passez votre chemin, vous dira le DA… directeur artistique… ce substantif-là ne se rencontre, lui, qu’au masculin).

Habituellement, je me méfie de ce genre de réunion… on finit toujours par parler des mêmes sujets : palmarès des lieux calamiteux où nous entraînent parfois des invitations trop vite acceptées, cas avérés de maltraitance éditoriale, enseignants formidables, enseignants minables, et nos droits d’auteur, nos droits d’auteurs si chétifs, anémiques…  Pour une fois, il en allait autrement, sans doute la qualité des convives ici attablés ( !!). Nous devisions sur nos bonheurs de lecture, nous invitions à notre table les bons livres « jeunesse » que nous avions croisés sur notre route de lecteurs « adultes ».

Un peu naïvement, je lâchai deux noms d’auteur. Le premier : Salman Rushdie avec son Haroun ou la mer des histoires, qui est un merveilleux livre bourré d’inventions, de fantaisie mais aussi de sens profond… comme  ces hommes que Rushdie met en scène et qui pourchassent les conteurs d’histoires en étant équipés de lampes frontales qui projettent… de l’obscurité.  Inutile d’insister sur le symbole. Autour de moi, on tiquait un peu sur la validité de mon choix… « On a dit livre jeunesse, et ce titre n’es pas paru en jeunesse ! » Heureusement j’avais un argument de choc  dans ma manche : « Oui, mais Salman Rushdie a écrit ce roman pour son fils, un ado âgé alors de 13 ans ! » Silence radio. Un point pour mois. Grisé par ce succès, je lançai le nom d’un deuxième auteur: Hubert Mingarelli. « Lui, ce n’est pas un auteur jeunesse ! » La sentence est tombée, comme un couperet… de la bouche d’un auteur jeunesse respecté et vénérable qui sait ce que c’est qu’un auteur jeunesse… la preuve, il a même écrit un livre sur le sujet puisqu'il est.. un auteur jeunesse .

Pourtant, Hubert Mingarelli, c’est l’auteur de plusieurs romans dûment estampillés « jeunesse »: Le Secret du funambule, Milan, 1989. Le Bruit du vent, Gallimard Jeunesse, 1991 ; La Lumière volée, Gallimard Jeunesse, Le Jour de la cavalerie, Seuil, 1995. L’Arbre, Seuil Jeunesse, 1996 ;  Vie de sable, 1998, Seuil Jeunesse. Et de deux autre qui n’ont pas été publiés en jeunesse, certes, mais que je considère comme deux des plus beaux romans qu’on puisse donner  à lire à quelqu’un qui fait l’apprentissage du difficile passage qui conduit à l’état d’adulte :Une Rivière verte et silencieuse, Seuil, 1999  et La Dernière neige, Seuil, 2000 ?

Alors quoi ? Pourquoi pas lui ? Parce que, me dit un second  gentil excommunicateur venant au secours du premier : « Un bon roman jeunesse c’est un roman qui met en scène un héros qui a le même âge que le lecteur et qui vit des aventures susceptibles de passionner justement un lecteur de cet âge. » Autrement dit, si l’on reprend les différents points d’Isabelle Jan cités dans le post précédent à propos de l’album mais qu’on peut étendre selon moi au roman…  cette définition du bon livre Pour la jeunesse correspond exactement à ce qu'elle identifie (et je l’approuve à 200%) comme précisément de la… NON-LITTÉRATURE !

 

Montfroc, cet été. Un autre salon, très sympathique celui-là mais un brin désert. On dédicace, peu, tous. Hubert Mingarelli est là. Je vais le voir. On bavarde. Je regrette : « Quel dommage que vous n’ayez plus de nouveaux romans chez des éditeurs qui publient pour la jeunesse. » Il lève les yeux au ciel, pousse un long soupir, m’adresse un sourire et me dit : « En jeunesse… pffff, c’est si difficile ! » Mingarelli est plutôt du genre taiseux, il ne m'en dira pas plus.

À chacun d’en tirer sa propre interprétation. Moi, j’ai la mienne : « Ce sont toujours les meilleurs qui s’en vont les premiers ».

Hubert Mingarelli écrit désormais POUR SES LECTEURS. Son roman Quatre soldats  lui a valu le prix Médicis en 2003, son recueil de nouvelles La lettre de Buenos-Aires est paru en 2011 aux éditions Buchet-Chastel.

 

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