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Regards croisés: Pavloff et Favaro

Grand écart

Une île. Nous habitons chacun une île des hauts, accrochée aux
montagnes des Alpes du Sud. Nous avons décidé d’y vivre – un choix –,
entourés par un océan d’hiver six mois par an. La neige : notre tour
d’ivoire. Les écrivains vivent dans une tour d’ivoire, c’est bien connu. Les
clichés ont la vie dure, peut-être parce qu’ils ne sont pas entièrement
innocents. Tout hiver a une fin, le printemps arrive ici comme un coup
d’épaule : il bouscule, force au mouvement. On s’ébroue, on sort de son
refuge pour croiser vers d’autres continents, vagabonder en terres
lointaines. Parfois, c’est un simple cabotage qui suffit à étancher la soif
d’ailleurs : une brève traversée et l’on s’amarre à quai chez un ami.
Un dimanche. Ciel bleu, brise légère, le verger bourdonne. Ici, la vie
galope dès le premier dégel, elle n’a pas une minute à perdre. Sous les
pommiers moussus, les cerisiers, une table et deux chaises posées sans
cérémonie. L’heure méridienne. Entre nous : ce qui reste du repas et une
bouteille – du blanc ; pour accompagner un banon, jamais de rouge – , elle
est encore à moitié pleine, déjà à moitié vide.
– La dernière fois qu’on s’est vus ?
– Une décennie ?
– Au moins.
Des choses à se dire. Beaucoup. Les voyages et leurs sillages : les
pages qu’on a chacun laissées derrière soi. Celles qu’on attend de voir
paraître, aussi. Après un long moment, une pause. On s’accorde une
respiration, comme en musique. On laisse un blanc pareil à une feuille
vierge – décidément, on y revient toujours. Les pensées s’y engouffrent,
être ici et ailleurs à la fois, on tire sur le fil et la pelote se déroule, le genre
de soliloque qui nous est naturel, qui ne s’arrête jamais en vérité…

 

La suite à télécharger ici dans le numéro 41 de Dazibao

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