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Notes retrouvées 3

L’écriture met en jeu un mécanisme diamétralement opposé à la parole puisque la pensée s’y affine, s’aiguise sous l’abrasion répétée de la relecture, du réexamen, de la réécriture. Or c’est bien cette caractéristique qui est mise à mal par « l’écriture numérique ». Si le courriel, et plus encore la messagerie électronique instantanée, mettait déjà à mal cette caractéristique en favorisant l’instantanéité de l’écrit, encore ne se limitait-on en les utilisant qu’à la seule fonction du dialogue. Un dialogue qui, par son essence même, parvenait sans trop de mal à changer de support, à passer des cordes vocales au clavier, puisque dans un cas comme dans l’autre le temps de réponse forcément bref dans ce type d’échange exclut qu’on approfondisse trop sa pensée avant de l’énoncer. On remarquera d’ailleurs à ce sujet que le courriel s’est davantage substitué à un certain type de dialogue réservé au téléphone qu’à celui de la missive. Mais avec l’avènement des réseaux, Facebook et autres Twitter, c’est désormais la pensée même qui se trouve affectée par le support. On a lâché désormais ce qu’on écrit comme un mot prononcé autrefois : trop vite, trop tôt, d’un simple clic, sans avoir longuement mâché sa pensée, sans l’avoir tournée et retournée au moins sept fois. Résultat : un flot de pensées anémiques circule désormais sans limitation de vitesse, à travers toute la planète, portées à la vitesse de la lumière par des fibres optiques, mais des pensées diaphanes, nées avant terme. Des pensées qui ont l’air du temps, de notre temps : instantané et déficient.

D’autre part, il faut bien considérer que la pensée parlée est fille publique, elle se donne, s’offre au plus grand nombre sitôt proférée. C’est d’ailleurs ce sur quoi s’appuie la classe politique qui a désormais abandonné la formulation d’une pensée au profit du seul énoncé d’une formule. L’art de la petite phrase, ces fameuses petites phrases, les seules à même d’alimenter les besoins incessants et insatiables du flot continu et instantané de prétendues informations télévisées, radiophoniques et « internetisées », celles que le tambour médiatique va s’empresser de faire entendre à tous et partout, jusqu’à la nausée, avant de passer à de nouvelles formules-choc dans un mouvement incessant et brownien.

 

 

Sukhumvit 16 003.jpg

 

 

Bangkok Photo P.F.

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